
Je viens de couper la radio. Immergés dans ce que nous avons lissé dans nos civilisations les plus hétérogènes depuis la nuit des temps, partout dans le monde, nos visages si différents délivrent des manières d’habiter le monde qui divisent. Les faits sont là, logés dans les actualités et des impressions tenaces : la peur de l’autre (ou des autres), les inégalités avec le sentiment d’injustice, les vanités, les souffrances, les erreurs, les progrès, les reculs, les défis, les ressentiments et les défaillances. Notre humanité attise le chaos régnant dans la survie, la lutte pour la survie. L’inconscient sauvage fait resurgir des pensées inflammables en soufflant sur les braises des haines et des peurs anciennes. La barbarie pointe son nez : elle n’a décidément pas de visage, pas de frontières, pas de répit, dans les chaines de la vie, dans l’histoire des peuples. J’ai le sentiment que le monde penche dangereusement en arrière. Dans ce fracas, le vaste théâtre du monde où les partitions ne sont pas encore écrites, je ne peux m’empêcher d’admirer ceux qui gardent leur sang-froid, entrent dans l’arène géopolitique, travaillent pour rétablir le fragile équilibre, concèdent, intercèdent, font des compromis, se remettent en question, se concertent, s’immiscent dans la fatigue lancinante sans broncher pour trouver des solutions, argumentent, croient, espèrent, agissent et décident. Les responsabilités sont immenses, atrocement immenses. Une pensée particulière à Martin Gray qui écrivait ceci : « La barbarie peut nous vaincre. Parce que chaque fois qu’un homme vient au monde renaît en lui tout le passé de l’humanité. Et qu’il l’ignore et peut donc succomber sous son poids ». Plus que jamais, je nous souhaite, comme le colibri, de prendre soin, à notre échelle individuelle, de la quote-part du réel qui nous revient dans nos vies.
©Gabrielle Fourcault
Laisser un commentaire