Il est un intervalle qui est un moment suspendu dans le souffle du temps. Il incarne le moment opportun, l’intervalle décisif pour agir. Il est la clé d’une inflexion silencieuse qui permet de faire advenir les choses et le changement. Il passe devant vous en un instant et s’éclipse sans se retourner, que vous ayez saisi sa main ou non. Alors, une impression lancinante advient, surtout si vous ne l’avez pas reconnu, pas compris. Il a le goût d’un rendez-vous manqué ou d’un train que l’on vient de rater. Qui n’a jamais mis en veilleuse dans le secret de son âme des cyclones enfouis à cause de lui ? Le Kairos laisse une aridité, des traces dans les émotions, les regards, les prises de décision car il interfère aussi bien dans notre sillage professionnel que dans la façon d’aimer ou encore dans la façon de se projeter dans la vie.

La mythologie grecque a donné un nom à ce temps précieux : Kairos. Il est celui du moment parfait, celui où l’instant devient primordial. Il surgit entre deux phénomènes : l’action et l’impact dans un seul instant. C’est une porte qui s’ouvre et se referme. Il laisse entrevoir la possibilité de faire éclore l’opportunité heureuse. Il invite à agir, à saisir le moment pour ne pas laisser filer un bout de destin possible. Mais souvent, le Kairos nous échappe, comme un rêve fugace, parce qu’il réclame une décision dans une immersion du temps hors contrôle. Et nos peurs, souvent structurelles, nos barrières émotionnelles, nos doutes, viennent alors étouffer cette impulsion, comme des murs invisibles qui empêchent l’élan de se déployer. Nous pensons que ce n’est pas ou plus le bon moment, par pudeur, prudence ou raison, et dans cette retenue, nous nous enfermons dans une douleur plus profonde encore. Par son intuition impulsive, l’enfant le sait depuis toujours… et par sa prudence acérée, l’adulte l’oublie. Dans ce temps happé par l’éphémère, je nous souhaite de savoir reconnaître et saisir les battements du divin Kairos.
©Gabrielle Fourcault
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