
En 1748, Voltaire a écrit un conte philosophique resté dans l’ombre de ses autres répertoires littéraires davantage en ligne avec son époque. Et pourtant Le monde comme il va (c’est son titre) m’apparaît intemporel. Il fait l’apologie de la nuance dans un monde où les idées inflammables et tranchées ne cessent de mettre la pensée humaine dans une perpétuelle intranquillité. Que dit ce conte ? Babouc, un simple mortel est chargé par un ange céleste d’observer Persépolis, afin de savoir si cette ville de Perse doit être détruite ou non. Les habitants énervent par leurs excès les puissances divines. Or Babouc y découvre de splendides architectures, des statues élégantes, de la musique de haute qualité. Il est confronté à de nombreuses rencontres où se mêlent les vices et les vertus. Il découvre aussi que parfois le bien se cache dans le mal. Alors, Babouc, dans un geste à la fois audacieux et désespéré, fait forger une statue étrange : un assemblage de tous les liquides toxiques de la terre, mêlés aux pierres les plus précieuses et ordinaires. Il la présente à l’ange, lui demandant si, sous prétexte que tout n’est pas or ni diamant, il doit détruire cette ville. L’ange, face à cette œuvre hétéroclite, renonce à sa colère, laissant Persépolis intacte. Dans notre monde si complexe, je nous souhaite d’être, comme Babouc, des bâtisseurs de la nuance pour y préserver le beau et le bien de tout ce qui existe.
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