Un thé avec « M »

Il y a quelques jours, j’ai eu une invitation à venir prendre le thé par une lectrice que j’ai rencontrée à l’occasion d’une journée dédicace. Je me souviens, c’était peu avant les fêtes : la silhouette longiligne, les cheveux blonds colorés tirés en une longue queue de cheval, les mains noueuses sur une liste de course, elle poussait son chariot rempli de gourmandises qui sentaient bon  Noël. Cette semaine, j’ai eu un message plein de délicatesse, m’invitant à venir chez elle, vers 16h00. Et j’ai accepté. Quand j’arrive, elle accompagne des maçons travaillant à restaurer les dépendances. En face, en pente basse, il y a un immense verger où se trouvent alignés des pommiers, des mirabelliers, des cerisiers. Le soleil inonde sa demeure normande qu’elle a restaurée avec un grand soin. Achetée à l’état de ruines, me raconte-t-elle, la maison est désormais son havre de paix et de projets. Dans le salon, un petit plateau avec thé, biscuits et chocolats nous attend toutes deux.

« M. »  a discuté des heures et des heures au point que je ne suis rentrée chez moi que tard dans la soirée. C’est que cette femme, rompue à une solitude certaine et dont les enfants et petits-enfants sont aux quatre vents, a partagé tellement de choses de sa vie. Toute une époque a défilé devant mes yeux, à travers son travail,  sa famille et ses amours. Tant de liens se sont ajustés ou brisés dans ce voyage dans le temps. Il y a eu ses combats contre le cancer. Et puis tellement de choses bousculées et dramatiques. Tellement de force, de lucidité et de courage. Tellement de souvenirs dans cette âme dont le grand âge (elle a 85 ans) a eu peu de prise sur son physique et son mental. Elle porte un pull en laine bleu clair et des converses crème dans un panache d’énergie. Autour d’elle, des photos de proches, quelques tableaux et portraits, des couleurs jaune et blanc sur les murs, des bibelots et du mobilier chiné… Tout un univers d’une femme en quête de rendre la vie belle envers et contre tout. Je nous souhaite de savourer, comme elle, les rayons du soleil qui caressent nos visages chaque matin.

©Gabrielle Fourcault


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